Au Nord, c’était les corons
...et bien, non, la suite des aventures d'Adibou, c'est pas pour tout de suite !! Mais je vous tiendrai au courant ...Vous aimez tellement rire à mes dépens que je m'en voudrais de vous en priver !! (Et puis, j'ai même pas honte, vous savez) D'ailleurs, à chaque fois que j'installerai quelque chose sur mon PC je sens que j'aurais des choses à dire !! Comme je vous l’ai déjà dit, j’habite dans le Nord-Pas-de-Calais. Mais pour que vous compreniez bien ce que je vais vous raconter, il faut que vous sachiez qu’il y a plusieurs Nord. Il y a le Nord " chic ", autour de Lille, pour résumer, qui se transforme peu à peu en vaste zone pavillonnaire pour les gens qui travaillent à Lille. Il y a une région flamande que je ne connais quasiment pas, mais que vous pouvez souvent découvrir, si un jour, vous avez la curiosité de regarder le " Paris-Roubaix " (D’ailleurs à ce propos, il leur est bien difficile de trouver ENCORE des pavés), il y a une région côtière (La côte d’Opale, de Berck à Dunkerque), il y a une région très rurale autour de St Omer et de ses marais, il y a une région campagnarde, l’Artois et il y a la région minière. Pour la plupart des gens, le Nord, c’est cette région minière. Alors qu’elle ne représente qu’une petite partie de chez nous. En fait, avant que mes activités professionnelles ne m’y conduisent, je n’y avais jamais mis les pieds. Et je connais tout ça très très mal, car ce n’est pas ma culture. Pourquoi " culture " ? Parce que les mines, ce n’est pas seulement les fosses (à charbon) et les corons (Les alignements de maisons construites par les compagnies minières pour les ouvriers autour des terrils, qui sont les monts constitués des résidus de la houille). Les mines, c’est un état d’esprit particulier, très convivial, très travailleur, plein de gens formidables, même si vous trouverez sans doute que beaucoup n’ont pas vraiment de manières. Ils ont très souvent la manière du cœur. J’en connais beaucoup, et ce sont des gens que j’aime. …mais je n’habite pas là. Barbe-Bleue, s’y rend régulièrement pour ça : Mais le foot et moi… Or donc, samedi, je me suis rendue dans les Mines, pour raisons amicales se déroulant autour d’un verre pas rempli de jus de fruit. Munie de mon plan, je me suis donc aventurée le long de ces rues rectilignes, qui se coupent à angle droit, et où toutes les maisons sont identiques. En plus, elles étaient en mauvais état. (Ce n’est pas le cas partout, il y a de gros efforts de réhabilitation) Dans la petite ville de Coron-les-mines (J’ai inventé le nom, ne cherchez pas), j’ai ainsi remonté l’avenue Salengro, tourné dans la rue Robespierre et débouché sur la place Jean Jaurès ! Immense place, totalement vide, entourée de maisons de corons défraîchis, sans aucun commerce, et sans aucune vie à part 2 ou 3 gamins qui faisaient du vélo, jamais dérangés dans cette sinistre immensité déserte. Dans un coin de la place, une vingtaine de voitures m’a indiqué le lieu où je me rendais plus sûrement que les rares plaques de rues. En me garant, je me suis sentie étrangère. Et pour 1 fois, j’ai béni le côté " supporter de base " de Barbe-Bleue, qui a comme conséquence que le monospace familial arbore fièrement un fanion aux couleurs de son club chéri, ainsi que des autocollants qui proclament à la face du monde " Abonné, Saison 2006/2007 ". Pour tout dire, nous étions très sobres, à côté des autres voitures, mais, néanmoins, dans le ton ! ! Un grand drapeau rouge m’a indiqué ma destination, c’est-à-dire la salle de réunion du syndicat CaiGeaiTaï des Mineurs de Coron les Mines. Je suis rentrée, saisie dès le trottoir par le brouhaha des conversations. On aurait pensé que toute la vie s’était réfugiée là. Ayant salué les autres Et je dois dire que j’ai été assez émue. Les vieux drapeaux rouges qui ont dû être en tête des grandes grèves depuis au moins 50 ou 80 ans, avec les ors fanés et leurs inscriptions " 3ème fosse de Lens " ou " Fosse n°4 de Bruay " , les photos des mineurs au travail, les lampes et casques de mineurs, une reproduction en miniature de chevalet (La sorte de derrick au dessus des mines de charbon) et même deux " gayettes ", c’est à dire 2 gros morceaux bruts de charbon. ..et puis dans la cour, un wagonnet du fond des mines, rempli de terre et converti en jardinière. Il paraît qu’il font beaucoup ça, dans le coin. Je trouve que c’est un beau symbole, ce wagonnet : reconvertir cet instrument du fond de la terre, du fond du noir, pour y mettre des fleurs. C’est tout l’esprit des Mines, ça. Quand je suis ressortie, la place était toujours aussi vide et aussi triste. Peut-être qu’elle s’anime pendant la ducasse (kermesse, fête foraine, fête votive, selon votre région), mais là, toujours les 2 ou 3 ados perdus. On parle des " cités, des " quartiers ", mais là, c’est tout autant triste et désespérant, à mon humble avis. Comme me disent mes collègues qui " en sont ", " Faut y être né " ! ! J’ai repris ma voiture pour me rendre dans un grand centre commercial, et en quittant la rocade (rocade minière, ça s’appelle, très précisemment), la chape de tristesse et d’oppression qui m’avait envahie a disparu. J'ai respiré. Bonus : La chanson, que les supporters du club de foot chantent à la mi-temps, d’ailleurs. (Et la prochaine fois, pour vous faire rire, j'essaie d'intégrer la musique dans mon message !!) Au nord, c'étaient les corons buveurs amis de l’heureux organisateur, ayant mon verre et un toast en main, j’ai regardé autour de moi.
La terre c'était le charbon
Le ciel c'était l'horizon
Les hommes des mineurs de fond
Nos fenêtres donnaient sur des f'nêtres semblables
Et la pluie mouillait mon cartable
Et mon père en rentrant avait les yeux si bleus
Que je croyais voir le ciel bleu
J'apprenais mes leçons, la joue contre son bras
Je crois qu'il était fier de moi
Il était généreux comme ceux du pays
Et je lui dois ce que je suis
Au nord, c'étaient les corons
La terre c'était le charbon
Le ciel c'était l'horizon
Les hommes des mineurs de fond
Et c'était mon enfance, et elle était heureuse
Dans la buée des lessiveuses
Et j'avais des terrils à défaut de montagnes
D'en haut je voyais la campagne
Mon père était "gueule noire" comme l'étaient ses parents
Ma mère avait les cheveux blancs
Ils étaient de la fosse, comme on est d'un pays
Grâce à eux je sais qui je suis
Au nord, c'étaient les corons
La terre c'était le charbon
Le ciel c'était l'horizon
Les hommes des mineurs de fond
Y avait à la mairie le jour de la kermesse
Une photo de Jean Jaurès
Et chaque verre de vin était un diamant rose
Posé sur fond de silicose
Ils parlaient de 36 et des coups de grisou
Des accidents du fond du trou
Ils aimaient leur métier comme on aime un pays
C'est avec eux que j'ai compris
Au nord, c'étaient les corons
La terre c'était le charbon
Le ciel c'était l'horizon
Les hommes des mineurs de fond