La mort a saisi le vif
Hier, un grand Monsieur de mon panthéon personnel s’en est allé marcher dans les grandes steppes.
Hier, un Monsieur qui m’a fait tant rêver est allé casser des verres en l’honneur de la Grande et Sainte Russie.
Hier, l’auteur préféré de ma grand-mère, que je n’ai jamais connue, de ma mère qui me l’a fait découvrir, de moi qui le lis et le relis, peut-être un jour de ma fille, qui s’émerveille devant la diversité et l’abondance des livres est parti rejoindre d’autres « étrangers sur la terre ».
Hier, Henri Troyat est mort.
Je l’ai découvert à 17 ans, quand ma mère m’a mis entre les mains « Les semailles et les moissons » qu’elle m’avait interdit de lire jusque là, estimant qu’il fallait que j’ai cet âge-là, pour savourer la prose, la finesse et la complexité des sentiments, la richesse du style, le foisonnement des idées.
J’ai adoré.
J’ai aimé avec Amélie et Elisabeth, j’ai ri et souffert avec elles.
Et puis j’ai dévoré.
Tant que la terre durera, un vrai tourbillon,
La Lumière des Justes, un vent froid de Sibérie,
Les Eygletière, déliquescence de la bourgeoisie,
Viou, la petite fille que l’on aime,
Le mort saisit le vif et l’Araigne, un étouffement,
Et puis toutes les biographies des tsars et tsarines, des écrivains, des vies si diverses.
Cet écrivain était un ogre. Il me fait penser à Balzac, par certains côtés.
Pendant des années, il a écrit debout à un pupitre en bois. 10 heures par jour. Dévorant les mots et les phrases, les livres et les destins épiques.
Il m’a toujours passionnée.
Si vous ne connaissez pas son œuvre, lisez Viou, c’est la plus tendre,
Ou la Gouvernante Française.
Ou Faux-jour si vous êtes d’humeur,
Ou tout ce que je vous ai cité.
Ou le reste.
Il y aura toujours "un Troyat" qui vous ira.
Ce soir, je sais ce que je vais faire.
Presque tous les ans, je relis les tomes 4 et 5 des « Semailles et les Moissons », c’est-à-dire « Tendre et violente Elisabeth » et « La rencontre ».
Voilà pour 2007…
Quelque part dans les nuages, un samovar fume.
Un géant se frotte les mains et le hume.